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La Main à l’Oreille
14 impasse des Jardins
94230 Cachan
lamainaloreille@gmail.com
Bref, ce jour là, je me douche, avale un café et m’aventure avec ma botte secrète à la main : un bon biberon de chocolat chaud. J’allume la petite veilleuse qui révèle les chevaliers et les dragons. Il semble se réveiller doucement, il ouvre un œil et saisit son biberon. Je glisse un coussin sous ta tête, et m’éclipse… Il n’aime pas trop que je reste.
Je reviens au bout d’un moment. Il est toujours dans son lit, et visiblement ne veut pas se lever. Je lui dis : « On va voir les copains ce matin, à la passerelle, tu viens ? »
Sa réponse est sans appel, il se cache sous sa couette !
Je m’éclipse de nouveau et retente, il refuse de se lever…
Il sait pourtant très bien où il va ce matin, puisqu’il a vu la photo la veille. Il connait très bien le mot « Copain » et sait quel lieu s’y rattache. Alors, j’invente, je chante des comptines, je fais parler les doudous, enfile des marionnettes, mais rien n’y fait.
Papi est arrivé, maintenant nous sommes bien embêtés… Avec Papi, nous nous concertons. Nous décidons de lui proposer d’aller chez « Papi Mamie » pour la journée et nous l’excuserons auprès de la passerelle.
Je me risque à nouveau dans sa chambre, je négocie et use de tout un tas de jeux pour l’amener au moins à la table de change. « Papi est en bas mon ange, tu viens ? On va lui dire bonjour ? ». Il adore dire « bonjour » en faisant un grand signe de la main, je me dis cela devrait l’intéresser.
Il accepte, je procède au change étapes par étapes, en jouant tantôt à cache-cache avec chacun de ses vêtements, tantôt à la petite bête qui monte, qui monte… Je parviens donc avec beaucoup de patience et de parcimonie à l’habiller. Chacun de mes gestes semble une agression.
Il est prêt maintenant. Il s’assoit dans sa chambre. Pour la première fois et sous mes yeux écarquillés, il se met à se balancer vigoureusement. Je luis dis : « tu peux aller chez Papi si tu veux, Maman doit aller se coucher et dormir un peu ».
Je redescends seule, je dis : « Je crois que la passerelle n’est pas envisageable ce matin », et son papi me répond : « Pas de problème, il restera au calme avec nous, on s’adaptera. ». Depuis qu’il est nourrisson, mon fils va chez ses grands-parents, il y est comme chez lui.
Je remonte, j’ouvre la petite barrière et mon fils descend dans le séjour. Voilà qu’il se met à marcher sur la pointe des pieds, à crier, à s’adonner à toutes ses stéréotypies les plus variées, une représentation de tout son univers en quelques minutes…
D’ordinaire, il est déjà très gêné par le bruit et le monde, je sais que même s’il est calme et apaisé, c’est déjà beaucoup d’efforts pour lui de sortir de la maison. Je ne me voyais pas lui imposer d’y aller. Souvent, je le vois froncer ses petits yeux quand on passe la porte de la maison comme s’il était ébloui par le monde extérieur.
Je le sens très angoissé, j’ai conscience qu’au quotidien, Nous, parents, enseignants, personnel de l’école, éducateurs, infirmières, psychomotricien…nous lui en demandons beaucoup. Je me mets à genou devant lui et je dis :
-«Eliott, écoute maman. Tu ne peux pas aller à la passerelle comme ça, tu n’y seras pas bien. Si aujourd’hui tu ne veux être que Eliott le petit garçon autiste, tu en as le droit, parce que tu es autiste, cela fait partie de toi. Tu veux être dans ton petit monde, ce n’est pas un problème… mais pour cela, il faut que tu ailles chez « Papi Mamie » ».
En l’éclair d’un instant, voilà qu’il se stabilise et retrouve ses pieds à plat au sol, il cesse tous ses petits moulins avec ses bras et arrête totalement de crier, et de ruer comme un petit cabri.
Il se dirige vers ses petites photos. Je lui montre la photo de « la maison de Papi » et celle de « la passerelle ». Il me donne celle de la passerelle. Je lui dis : « donc tu vas à la passerelle ? ». Il prend la main de son grand père et se dirige vers la porte.
Nous échangeons un regard avec mon beau-père, nous sommes juste saisis par ce que nous venons de vivre.
Papi l’a emmené à la passerelle, Eliott avait lui-même fait son choix.
Eliott mon grand,
Je suis admirative devant ton courage et ta détermination.
Lorsque j’ai mis des mots sur ton choix cornélien ce matin-là, je crois que tu t’es apaisé en comprenant que tu avais une autre possibilité, celle d’être toi-même.
Je crois que le fait même d’avoir le choix t’a apaisé.
De mon côté, j’officialisais ce qui était implicite dans notre foyer: tu as le droit d’être autiste. Nous mesurons tes difficultés, nous savons qu’elles ne sont que la face visible de l’iceberg, et nous les respectons. Nous t’aidons, du mieux que nous pouvons à te rapprocher de notre monde et surtout à t’y sentir bien, mais en aucun cas anéantir le tien.
J’en suis arrivée à cette conclusion qui peut sembler paradoxale : te permettre d’être autiste te donne la force d’aller vers les autres et d’affronter notre monde.
Je souhaite vivement, à travers ce témoignage, remercier les personnes qui s’occupent de lui, là bas. Celle qui me la conseilla, et à mon tour, la faire connaitre à tous les parents dont les enfants en âge de rentrer à l’école, mais qui ne sont pas encore tout à fait prêts, quelle qu’en soit la raison. N’hésitez pas, il en existe dans d’autres communes, même si elles ne sont certainement pas assez nombreuses.
http://www.petit-quevilly.fr/enfance/petite-enfance/la-passerelle
Mon petit garçon de 4 ans va à "La passerelle" trois fois par semaine dans notre quartier.
Un matin où je rentrais de ma nuit de travail, son Papi est venu gentiment le chercher vers 8h pour l’emmener, afin que je puisse me coucher plus tôt. J’arrivais donc de ma nuit sans savoir comment son réveil allait se passer. Il faut dire qu’une journée ne faisait jamais l’autre, et que pour un enfant qui aime ses routines, il ne manquait pas d’imprévisibilité !